CHAMBRE DE KAMI - Requiem pour un réveil qui ne fait pas de bruit - [FERME]

Shigeru Yamane: Rester au chaud, rien qu'à deux?... Mh... Ça me déplairait pas...

J'ai remarqué le petit rapprochement de mademoiselle, et je n'y suis pas resté insensible. Pour dire la vérité, je l'ai même invitée à se blottir contre mon épaule... Haha, hihi! Je mange un peu ses petites flammèches rousses. Je trouve ça rigolo et adorable, moi... J'ai l'impression d'avoir un petit animal sauvage apprivoisé, héhé! Je caresse son ventre de ma main droite, puis, je descends furtivement mes gestes au niveau des cuisses. Qu'il pleuve donc. Que la foudre tombe. Mieux: qu'il y aie une alerte à la bombe dans le secteur. Ça me fera une excuse pour rester chez mademoiselle. Et dormir là... Je n'ai pas envie de la perdre. C'est déjà un miracle que je l'aie trouvée. L'épisode est maintenant fini, et le téléviseur est repassé au menu, avec le thème musical de l'animé en fond.

Shigeru Yamane: Mmmh...

Je laisse tomber ma tête contre celle de Kami, dans un élan de paresse flegmatique totalement assumée. J'en suis convaincu: j'ai besoin d'elle...

Et j'espère qu'un jour, elle aura besoin de moi, me dit une petite voix dans ma tête.

Kami Sakuraï : Hm... Donc tu préfères rester à la maison?... C'est loin d'être un mauvais choix...Hm...

    Shigeru a laissé sa tête reposer contre la mienne au moment où la pluie commence à se faire entendre en battant contre la fenêtre de la salle de bains. L'air se rafraîchit d'un coup, et je tremble un peu. Mes estimations quant à cette fichue météo étaient faussées alors! On pourra bouger, mais qu'après cette pluie, et puis... Il faut que monsieur aille voir son ami... Ah ah ah!... Et puis, j'ai quelque chose d'important à faire, qui nécessite que Shigeru ne soit pas dans les parages... Hi hi hi...
     Je laisse Shigeru continuer à se prelasser contre moi - je fais de même. Mais au bout d'un moment, par "fatigue" et  surtout par tentation totale... Je me laisse tomber... L'air las... Sur le futon. Tout en entraînant Shigeru avec moi, contre le rembourrage doux du petit lit.

De petites tiges de cheveux éparses et roussies couvrent à moitié mon visage. Kami, totalement endormie avec la bouche à moitié ouverte, a vraiment l'air très mignonne, et je me retiens de pincer ses petites joues roses, huhu. On est vautrés dans le futon, dans une position improbable. Kami a une de ses jambes qui en dépasse, son pied est encore vêtu d'une chaussette. Je ne sais pas trop combien de temps j'ai somnolé ainsi, mais l'état du ciel au-dehors ne s'est pas amélioré: au contraire, on y voit une pluie franche. Le tonnerre a dû gronder. Du moins, je pense que c'est ce qui m'a réveillé. Je dépose à nouveau un bisou sur la petite tête de Kami avant de quitter le lit, ce qui risque de devenir une habitude chez moi. Je m'étire lentement... Je suis bien. Je décide de changer de sapes pour m'habiller avec une chemise noire et un vieux jean bleu-vert, légèrement troué par endroits: un moyen au-dessus du genou droit, un autre sur le côté de ma jambe gauche, et un léger au niveau du zob (je prie à chaque fois pour qu'il se voie pas).

Petit dépravé, va.

FUCK!! ENCORE CETTE VOIX! Et dire que j'espérais secrètement que tout cela soit juste la conséquence d'une vie sociale peu développée. Mais non, on dirait bien que...

Oui, en effet, on dirait bien que le Phoenix Sacré de Nephtys est réel, jeune homme. Mais vu que je n'aime pas parler de moi à la troisième personne, je vais enchaîner rapidement en te demandant quand est-ce tu aurais l'envie de me sacrifier quelqu'un? Tu sais, pour sauver cette pauvre Seiko Kuriyama qui comate actuellement dans un corps sans âme.

Shigeru Yamane: Je ne vais certainement pas tuer quelqu'un (me rendant compte à ce moment que j'étais sur le point de gueuler, je tente désespérément de baisser le volume de ma voix)! Et puis d'abord, qu'est-ce qui me dit que tu peux réellement la soigner? À part des rêves et des hallucinations, qu'est-ce que j'ai comme preuve, de... De tes supposés pouvoirs, du genre la déesse des morts et tout ça? Je suis peut-être juste complètement taré, mais il m'en faut beaucoup plus pour que ma santé mentale soit définitivement anéantie, d'accord? Jusque là, je n'ai eu AUCUN problème et j'aimerais que ça continue ainsi, d'accord?

Aucun problème? On en reparle, de ta réaction au journal télévisé du matin?

Shigeru Yamane: Je... N'importe qui trouverait ça immonde de montrer la mort comme ça... C'est pas les Clowns Tueurs Venus d'Ailleurs, ni Evil Dead ou un autre film cheapos qui montre des gamins se faire torturer, d'accord? C'est la réalité, et le pire c'est que ce type déguisé dont l'image a été capturée, c'est... C'est celui que Seiko a dessiné! Donc, si tu es soi-disant omniprésente et omnipotente, tu pourrais peut-être me révéler l'identité de ce malade, hein? Oh, à moins que, en tant que déesse des morts, tu n'aies que le pouvoir de connaître les pensées de ceux-ci, hein? Et naturellement, je ne pourrais jamais savoir POURQUOI parmi tous les individus au monde, tu as choisi Shigeru Yamane, 26 ans, encore récemment au chômage et tout juste capable d'aligner deux mots le matin après ses Phoenix Beer!

Je me dirige vers la salle d'eau, en prenant soin de fermer délicatement et consciencieusement la porte, pour éviter des questions gênantes du genre "pourquoi tu parles tout seul". Quoi que ce soit en tout cas, ça a bien l'air d'avoir l'intention de me faire ch...

Surveille ton langage, petit dépravé. Et je te rappelle que nous sommes amis depuis bien plus longtemps que ça, mais on dirait vraiment que tu ne peux toujours pas l'assumer. Concernant l'assassin de Ishizu Ishtar, il s'agit bel et bien du même homme qui a torturé Seiko Kuriyama. Si le cœur t'en dit, et si tu doutes encore de mes pouvoirs, je peux te mettre en communication avec cette femme égyptienne, au Royaume des Morts... Mais, si tu as peur...

Shigeru Yamane: Attends! Donc, tu es en train de me dire que tu ne sais pas précisément de qui il s'agit, mais...

Comme tu l'as si justement deviné, en tant que déesse et protectrice des morts, je n'ai pas le droit d'intervenir sur le monde des vivants, contrairement à ce que beaucoup de croyances populaires suggèrent. Je suis juste là pour faire la routière et emmener les âmes au moment du décès, si tu veux que je te dise ça plus clairement. Pour faire accomplir ma volonté et mon pouvoir en tant que déesse sur le monde des vivants, j'ai besoin de passer un pacte avec un humain.

Shigeru Yamane: Excuse-moi, je me répète, mais... Comment je suis censé croire tout ça?...

Cette fille, Kami, elle est importante pour toi, non?

Shigeru Yamane: Qu... Évidemment qu'elle l'est! Et qu'est-ce que ça a à voir avec mes hallucinations ou le fait que j'entende des voix?

Si tu tiens réellement à elle, tu ferais mieux de découvrir l'identité de l'assassin... L'identité de l'Émissaire! Je ne connais pas toute la vérité, juste ce qui est arrivé à Ishizu. Mais au vu du choc que ça pourrait provoquer pour toi, je pense que tu devrais l'entendre de sa propre bouche. Allez... Laisse-moi t'y envoyer. Pour que tu comprennes. Et peut-être que là, tu cesseras de douter de mes pouvoirs!!

Shigeru Yamane: Qu... Mais quel rapport ça a avec Ka... Aaaah...

Je tombe d'un coup, et je sens le bruit net de mon crâne percutant le carrelage à grande vitesse. Il y a de l'écho, beaucoup d'écho... J'ai du mal à respirer et mes yeux se ferment... Attends, je meurs ou... Je meurs vraiment? Oh, c'est pas vrai, ça peut pas finir comme ça...


Lorsque mes yeux s'ouvrent à nouveau, je suis de retour dans le monde étrange de mon rêve d'hier, mais cette fois, je ne me sens plus oppressé. Je respire même très calmement. Il y a toujours ces ombres, ces silhouettes informes, mais elles ne s'approchent même plus de moi. En fait, elles se tiennent à distance. Je suis sur une barque qui avance toute seule, et en regardant mes mains, je me rends compte que j'ai une espèce d'aura dorée autour de moi. C'est trop bizarre.

Je t'ai donné le laisser-passer, Shigeru. Ils ne t'approcheront pas, pas pour le moment en tout cas. Techniquement, tu n'as rien à faire ici. C'est pour ça que les âmes jalouses des morts essaient de t'attraper. Mais quand nous aurons passé à nouveau le pacte, tu pourras naviguer comme tu le souhaites et quand tu le souhaites, dans ce Royaume. Tu seras mon envoyé, sais-tu?

Shigeru Yamane: Je... Je ne sais pas... Haha... Bon, d'accord, je suis tombé, bon, d'accord, j'ai carrément l'impression d'être passé de l'autre côté, mais... Tout ça m'a l'air encore trop dingue pour que j'y accorde du crédit, ne m'en veux pas...

La barque continue à avancer, et arrive à un rivage fait de roches en quartz lumineux et en améthyste à demi calcinée. Le ciel est toujours noir d'encre, mais cet endroit a, si ce n'est un côté rassurant, tout du moins un côté bien plus apaisant que la zone avec les zombies haineux, jaloux ou je sais pas quoi, qui essaient de te choper et de t'entraîner dans les profondeurs de cette sorte de... Marécage... Rêve ou pas, je m'en souviendrai toute ma vie...

Au loin, je vois une silhouette, mais bien humaine, cette fois, habillée de tissus clairs, avec un châle sur la tête laissant voir deux tresses. La barque se rapproche. C'est une femme à la peau mate. Au fond de moi, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'elle est très belle, et qu'elle dégage une sorte d'élégance mesurée qui contraste énormément avec le lieu. Et au moment où la barque touche le rivage, mon cerveau comprend enfin ce qui se passe. Je pose un pied sur cette petite plage sombre, et je demande:

Shigeru Yamane: Vous... Vous êtes bien Ishizu Ishtar? Euh... Sans vouloir vous vexer, vous avez l'air en bien meilleur forme que lorsqu'il vous on a montré à la télévision... Donc, vous êtes bien...

Ishizu Ishtar: Morte, il semblerait bien. Pas la peine de s'encombrer de politesses superflues.

Wow. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle prend tout ça avec beaucoup de distance. Je continue alors poliment la conversation, comme si ma bourde de tout à l'heure n'avait jamais eu lieu.

Shigeru Yamane: Vous... Vous êtes géniale, vous savez? C'est grâce à vous que notre pays est si bien informé sur l'Égypte antique. Et puis pendant le tournoi de Battle City, face à Seto Kaiba, vous étiez tellement calme! Bon, bien sûr, euh, vous avez perdu, mais, votre détermination et votre sang-froid étaient exemplaires! Vous, euh...

Ishizu Ishtar: Merci. Vos compliments me flattent, mais je ne crois pas que vous êtes venu ici, depuis le monde des vivants, juste pour me dire tout cela. C'est donc vous, l'Élu de Nephtys.

Shigeru Yamane: Comment savez-vous?...

Ishizu Ishtar: Allons, je ferais une bien piètre commissaire et descendante des Protecteurs du Tombeau si je n'étais pas au courant du panthéon qui entoure le royaume des morts... Nephtys, la déesse protectrice des défunts. C'est une créature polymorphe, sur la plupart des bas-reliefs, une femme. Mais elle est capable de se changer en grand oiseau de proie pour transporter l'âme des défunts ici... Je l'ai vue. J'ai vu l'oiseau au moment où la vie a quitté mon corps, et je me suis retrouvée ici. Comparé aux présences que j'ai aperçu jusque là, vous dégagez une forte chaleur, et je perçois l'aura qui vous entoure. Quand j'ai perçu cette aura, j'ai vite compris. C'est la même lueur qui entourait le Phoenix Sacré de Nephtys qui m'avait portée, alors que je croyais être à moitié consciente. La vérité était bien plus cruelle...

Cette femme est troublante. On aurait dit qu'elle savait à l'avance tout ce qui allait se passer, allant même jusqu'à sa mort. Je décide de répondre du tac au tac sans lui laisser percevoir la moindre ambiguïté quand à ma position par rapport au mystique...

Shigeru Yamane: Je... Vous, savez, je... Je suis désolé. Avoir fait preuve d'indélicatesse, tout à l'heure, comme ça, c'était... Enfin, malgré tout ce qui m'arrive en ce moment, je ne crois pas à tout ça. J'ai vraiment du mal. J'adore les mythes, les histoires et toute la symbolique qui les entoure, mais... Je ne suis pas du genre à croire sans preuve. Une partie de moi ne peut pas s'empêcher de penser que je délire. Ça peut blesser de vivre dans un monde fait de fantaisies, vous savez? Oh, euh... Pardonnez-moi. Je dois être vraiment... Grossier.

Ishizu Ishtar: Ce n'est pas grave. Je m'en fais surtout pour mon petit frère, Marik. Le connaissant, il va très probablement essayer de retrouver celui qui m'a tué. Et il pourrait aller très loin pour ça.

Un long silence s'installe. Nous nous observons sans ciller.

Shigeru Yamane: Mais vous... Vous savez, cette personne, en armure, costumée de façon complètement ridicule et grotesque, des pics partout et cette visière, avec quelque chose comme ça, c'est... Vous (je vois que son visage est impassible)... Vous n'avez aucune idée de l'identité de votre assassin, n'est-ce pas?

Ishizu Ishtar: Quand Pegasus Junior Crawford a dessiné les cartes des Bêtes Sacrées, le Dragon Volant d'Osiris, le Soldat Géant de l'Obélisque et le Dragon Ailé de Râ, il a été le témoin d'étranges phénomènes. Vous n'êtes pas sans connaître toutes les légendes urbaines liées à ce sujet. Le jeu Duel Monsters, pour la plupart d'entre nous, n'est qu'un divertissement créé par une société de consommation qui s'ennuie très vite, et qui a toujours besoin de davantage d'émulation, de compétition, de davantage de folie et de démesure. Mais pour une petite partie des individus liés à ce jeu, c'est autre chose. C'est en réalité un jeu maudit, qui mettait en péril des peuples entiers, souvent par l'affrontement de souverains qui utilisaient la magie noire comme arme, afin d'invoquer des créatures d'un autre monde. Ils prenaient tout cela pour un jeu. Mais la réalité les a vite rattrapés...

Shigeru Yamane: Ouais, je connais l'histoire, j'ai eu des brochures de l'expo le mois dernier à mon appart. Un prince s'est élevé et a décidé de sceller la puissance maléfique du jeu à travers plusieurs items millénaires, hein? Dont l'un a été possédé par le légendaire Yugi Muto?

Ishizu Ishtar: C'est en effet l'héritage historique que j'essaie de transmettre à la ville de Domino aujourd'hui. Pour qu'elle n'oublie pas que Duel Monsters, le secteur d'activité qui est aujourd'hui le plus rentable pour la municipalité et bientôt le Japon tout entier, est lié à des combats sanglants, à des sacrifices souvent inutiles et injustes. Des textes et des répliques des objets millénaires étaient exposés, ainsi que des bas-reliefs racontant l'histoire du jeu des ombres en même temps que celle du peuple égyptien.

Shigeru Yamane: Et donc, vous ne connaissez vraiment pas votre meurtrier?

Ishizu Ishtar: Pas personnellement, mais je sais au moins ce qu'il veut. Il m'a torturée pour me faire avouer l'emplacement réel d'un des objets exposés.

Shigeru Yamane: Mais, si ce sont des répliques des objets millénaires (je marque une pause), ce sont forcément des antiquités disparues, hein? Même Yugi Muto, je... Je l'ai vu y a même pas trois jours, et il n'avait plus son pendentif, donc, c'est quoi l'embrouille autour de ça?

Ishizu Ishtar: Je n'ai jamais dit que mon meurtrier voulait un des sept objets maudits... Il voulait l'emplacement de l'ouvrage qui a servi à créer tous les items. Entre égyptologues, les spécialistes s'accordent pour lui donner un nom. Le Livre Millénaire. La trace écrite qui serait l'une des plus anciennes de l'Histoire de l'Humanité. Naturellement, le vrai n'est exposé ni au Japon, ni ailleurs. L'homme qui m'a agressée était persuadé que je connaissais le lieu où cet objet était conservé. Mais je ne lui ai jamais rien dit. Il a donc purement et simplement décider de me supprimer. Ah... Je me rappelle d'un de ses gestes...

Shigeru Yamane: Quoi donc?

Ishizu Ishtar: Il a sorti une... Une espère de fiole... Je crois bien, qu'il a pris mon sang...

Shigeru Yamane: Vo... Votre sang? Mais, pourquoi? C'est quoi son délire, c'est lié à un quelconque rituel? Et surtout, si ce livre de magie noire existe, qu'il est bien réel, qu'il a vraiment servi à concevoir ces objets démoniaques, alors où est-il, s'il n'est pas perdu? Et puis même, pourquoi ce cinglé voulait mettre la main dessus? Pour faire ses spectacles dans les cabarets?!

Ishizu Ishtar: Il y a de nombreux rituels concernant le sang dans les traditions antiques, notamment le sang des femmes. Si mon intuition est exacte, le meurtrier a l'intention de faire appel à un démon en multipliant les sacrifices. Je sais qu'il a pris mon Deck, et je n'ai absolument rien compris à cela. Peut-être cela a t-il un rapport avec Duel Monsters et les femmes duellistes, je n'en sais rien. Je n'ai pas la moindre idée des motifs de cette personne, mais une chose est sûre: ce genre d'individu ne doit jamais pouvoir mettre la main sur un objet aussi dangereux. Pour l'emplacement du livre, je l'ai confié à celui qui méritait le plus ma confiance en ce monde, si on met à part mon petit frère Marik et Rishid, mon frère adoptif.

Shigeru Yamane: Et cette personne qui a le livre, qui est-elle? Est-elle en danger?!!

Ishizu Ishtar: Non, mais si l'esprit de l'homme qui m'a tuée est aussi vif que je le pressens, il saura sans doute que mes espoirs pour le futur étaient tournés vers cette homme... J'éprouve un profond respect pour lui. J'irais jusqu'à dire que je l'aime.
Le possesseur du Livre Millénaire aujourd'hui n'est nul autre que Seto Kaiba.

Et à ce moment, ma vision commence à se brouiller.

Je ne peux pas te maintenir plus longtemps dans cet état, Shigeru... Il va falloir que cette discussion avec Ishizu Ishtar arrive à son terme.

Ishizu Ishtar: Je vous fais confiance, Élu de Nephtys. Prévenez Seto. Dites-lui tout ce qui s'est passé... Je vous fais confiance...

Je cligne des yeux. Je vois une forme floue penchée sur moi... Kami?

Quand j'ouvre les yeux, je suis seule. J'ai cru entendre des choses, durant mon sommeil, mais je n'en suis pas sûre. Shigeru a totalement disparu de la pièce. Un instant, j'ai l'impression qu'il est sorti faire un tour, mais il m'aurait réveillée pour me le dire, et en plus les clés sont toujours là, sur leur crochet, à côté de la porte. Je regarde dans l'angle mort, côté cuisine, en me penchant beaucoup, m'ppuyant sur mes mains, au sol, mais personne non plus. Et d'ailleurs je ne vois pas pourquoi il irait se mettre à cet endroit... Il ne me reste qu'un seul endroit : la salle de bains. Mais là aussi, je ne vois pas pourquoi il irait se fourrer là-dedans.
   Je me lève, allant vers la direction de la salle de bains. C'est fermé. Mais je ne me souviens pas l'avoir fermée, après être sortie, tout à l'heure. C'est qu'il doit être là-dedans... Il est encore peut-être malade de ce matin, qui sait..? J'avance. Je colle mon oreille contre la porte, et je n'entends rien. C'est assez étrange... Je tape une fois, deux fois, à la porte. Pas de réponse... J'appelle. Toujours rien. Je suis trop inquiète pour attendre là, comme une pauvre cloche.

Kami Sakuraï : Shigeru... Je... J'entre...

    Horreur. Shigeru est par terre. J'ai même l'impression qu'il s'est cogné contre quelque chose. En tous cas, il est inconscient... J'espère que malgré tout, il va bien... Bon... Je vais tenter de me souvenir des cours qu'on a eu, conernant la sécurité d'une personne inconsciente... Bon...
     Je me penche au-dessus de lui, et je tente de repérer son souffle. C'est bon, il est là. Il respire encore. Par contre, il ne semblait pas m'entendre, tout à l'heure, quand je l'appelais de derrière la porte... Je tente quand même de parler à nouveau, question de savoir s'il est totalement inconscient ou s'il n'est juste pas en état de répondre convenablement...

Kami Sakuraï : Hé, Marmotte...

    Alors que je suis toujours penchée sur Shigeru, sans le toucher, sans le bouger non plus, je vois sa tête se tourner légèrement. Puis il cligne des yeux, plusieurs fois. Je suis soulagée, il a l'air de se "réveiller". Je reste dans un coin de la pièce, près de lui, assise sur mes talons. Je ne sais pas comment réagir à tout ça, et je ne pensais jamais, mais vraiment jamais, devoir faire face à quelqu'un qui a perdu connaissance...

Kami Sakuraï : Tu... Tu vas bien..?

Oooutch... Ma tête... Oooh... Kami...

Shigeru Yamane: Héhéhé, salut... Dis-moi princesse, tu attends quoi pour me faire du bouche-à-bouche?

Putain, je fais l'fier mais j'ai vraiment mal à l'arrière du crâne. J'ai dû tomber violemment. Je ne sais toujours pas quoi penser de ce que je viens de vivre. Nephtys? Parler avec les morts? Les femmes duellistes? Mais cette Seiko, quand bien même, elle était pas duelliste... Non? Enfin, tu me diras, avec elle, il a fait le boulot qu'à moitié. Est-ce que je dois croire à tout ce que j'ai vu? D'un côté, je me dis bien que mon esprit n'aurait pas la force d'imaginer tout ça. Tout a l'air si... Affreusement logique, en fait. Mais qu'est-ce qui relie Seiko Kuriyama à Ishizu Ishtar? Peut-être rien du tout. J'en peux plus. Je suis claqué!!

Shigeru Yamane: Hé... Il est quelle heure, madame?

Kami Sakuraï : C'est que Monsieur a encore la tête sur les épaules et veut profiter de sa situation de convalescence, hi hi hi!

     Je ris de bon coeur. Même mal en point, Shigeru a toujours le mot pour rire. Cependant, je n'ose pas trop le déplacer, ni trop le toucher, on ne sait jamais... Toujours prostrée dans un coin, je le regarde. Il a dû avoir une perte de connaissance fulgurante, à voir la position délicate dans laquelle il s'est retrouvé.
      Comme je le pensais, Monsieur a bien la tête sur ses épaules, même si elle est douloureuse : il me demande même l'heure qu'il est. Sûr, il n'a pas oublié ce qu'il devait à Akira!

Kami Sakuraï : Il est quinze heures, environ, voire quinze heures trente... En tous cas, tu n'es pas en retard!

Shigeru Yamane: Parfait. Oh, je suis un crétin!! J'aimerais tellement avoir pioncé moins longtemps, princesse... Mais... Ça nous laisse quand même un peu de temps. Tu aimerais sortir?

Kami Sakuraï : Hm... Pourquoi pas..? Et puis... J'ai un petit achat à faire, ah ah ah!

    Je me décide à me bouger de "mon coin" et à sortir de la salle de bains, pour laisser Shigeru respirer un peu - et surtout pour éviter d'être une raison de bloquer le passage, il faut dire, la salle de bains est assez étroite pour deux. Je tourne donc vite les talons vers la pièce principale, attendant Shigeru, debout et figée comme de la pierre.

Kami m'attend à l'extérieur de la salle de bains, assez en retrait. Hé... Qu'est-ce qui lui arrive? Mince alors, elle tire une de ces têtes... Elle a l'air totalement absente, et ça se comprend. Après m'avoir vu dans cet état, j'imagine qu'il y a de quoi paniquer. En tout cas, elle s'abstient de tout commentaire, ce dont je lui suis reconnaissant. J'espère vraiment qu'elle m'a pas entendu parler tout seul.

Shigeru Yamane: Hé... Si on allait se faire une partie de Bowling? Au "Fun Bowling", qui est près du Port de Domino, c'est un vieil endroit où je suis déjà allé avec mon cousin Shuya quand j'étais gosse. Si ma mémoire est bonne, ils servent d'excellentes glaces. De bonnes bières, aussi. J'aimerais bien t'y inviter! Alors, championne, partante, huh?

Kami Sakuraï : Hum;.. Partante pour le bowling... Par contre, si je gagne...

    Je fais un clin d'oeil à Shigeru, sans continuer pour autant ma phrase. Il faut savoir être mystérieuse dans la vie..! Monsieur est habitué aux paris, alors autant lui donner de la joie de vivre en lui rappelant cette passion! Je prends mon sac, posé dans un coin, avant de me diriger vers le côté cuisine, qui est également le côté "entrée" de mon appartement. J'y enfile très vite mes chaussures, après avoir bien mis mes chaussettes. C'est bon, je suis prête!

Kami Sakuraï : Je te laisse nous y emmener, Monsieur le Prof!

Shigeru Yamane: Ok, ok, j'me couvre et c'est parti!

J'enfile ma vieille veste kaki froissée et je retourne vite fait à la salle de bains, pour me passer un coup d'eau fraîche sur le visage. Ceci fait, nous sortons sans plus tarder, le sourire aux lèvres...

Changement de lieu.

Lieu précédent.

Nous arrivons devant ma résidence étudiante. Il est près de 22h30. Je vois quelques fenêtres allumées, dont celle du concierge, qui regarde par sa fenêtre au moment où la voiture se gare devant les haies bien taillées. Le moteur s'arrête, le frein à main est enclenché, les clés retirées du contact, et tout le monde sort. J'ai mon petit sac d'achats de tout à l'heure à la main, d'une autre main je fouille une de mes poches afin d'en extraire mon jeu de clés.
    Je suis à la suite de tout ce beau monde, qui arrive près de la porte du grand hall. Je dois fendre la petite assemblée pour me précipiter sur la porte, pouvoir ouvrir à tous et surtout zyeuter l'intérieur et les environs : ma chambre n'étant pas du côté rue, je ne pouvais pas voir si de la lumière baignait la pièce. Mon trousseau de clés est plus léger maintenant qu'un double appartient à Shigeru, ce que ne manque pas de remarquer mon père...

Kogoro : Beh, elles sont où tes doubles?

    Je mens en disant que c'est Atsuko qui en a la garde, depuis que j'ai failli perdre mon jeu principal à l'école. Heureusement, voilà un demi-mensonge, j'ai vraiment failli perdre mes clés, un jour de classe. J'ouvre la porte et tout le monde s'engouffre dans le hall dans un silence glaçant.
    Nous montons les escaliers, et je redoute le moment où tout ce petit monde va venir inspecter ma chambre : j'ai peur qu'ils ne trouvent des affaires compromettantes ne m'appartenant pas, le linge de lit que je n'ai pas changé et qui témoigne de ma présente "impureté" - plus les capotes, laissées pas loin du futon. Et merde. J'avais oublié ça. Ma mère a raison, le ménage, le rangement, c'est important, et puis ça permet de cacher ses petits secrets. Je fais tout pour ne pas presser le pas dans les escaliers, mais ça ne se remarque que trop bien...

Kogoro : Tu fiches quoi, imbécile? Hein? Tu veux nous cacher ton décoloré?

Kami Sakuraï : Je le répète : je ne cache personne chez m...

    J'ai haussé un peu le ton. Damn. Et ça a rameuté un peu de la poulace d'ici. Argh. Je tente de me calmer. Mariko se poile bien en me voyant stresser. Elle sait que je n'ai pas envie de me faire renvoyer et retourner chez mes parents. Mais elle décide de prolonger sa crise d'hilarité, espérant causer de la gêne. Et elle en cause...
    En haut de l'escalier se trouve Darren, un tablier de soubrette noué autour de lui, ses peintures faciales de métalleux toujours sur son faciès. Il me regarde, regarde ma "famille" et se met à sourire. Tu ne vas pas t'y mettre!? Il tient son balai d'une main, et de l'autre enlève un de ses écouteurs, laissant échapper un "SATSUGAIIII" du petit amplificateur de sons.

Darren : Hé. Kami. S'lut.

    Darren découvre des dents blanches. Mais son sourire... est extrêmement amical. Il n'a pas l'air de vouloir me taquiner, pour le moment. Il doit voir dans mes yeux de la frayeur, et une envie irrémédiable de voir tout le monde quitter cet escalier.  Ou bien, il veut me faire croire ça et me balancer. Il pose son balai contre le mur et s'y appuie, détendu.

Darren : Monsieur et Madame Sakuraï, je présume? (Il fait un signe de tête respectueux.) Je suis...

Kogoro : Et en plus, il aime se travestir, ton décoloré?!?

     Darren foudroie du regard mon père. Il va l'énerver, s'il continue. Cependant, Darren semble contenir sa rage et garde un calme que je ne connais pas. Il se met à sourire, gêné, et regarde ses chaussures. Je n'y ai pas pensé avant, mais, de cet angle, là, au-dessus de nous, Darren, il a la classe. Il secoue la tête de droite à gauche, doucement, et ses yeux perçants se posent sur moi. Tu gères, Darren.

Darren : Je suis Darren, le voisin de votre fille. Nous nous sommes rencontrés brièvement lors de l'emménagement de Kami, mais je suis peu bavard, vous m'excuserez donc de ne pas m'être correctement présenté. (Ses mots semblent charmer mon père et Mariko. Pour un métalleux avec sa dégaine d'après-concert, il déchire, même s'il porte un tablier de soubrette. Darren se tourne vers moi.) Je ne te voyais pas arriver, j'étais inquiet. Comme on a l'habitude de prendre du thé à deux, tu comprendras que...

    Il est en train de les embobardiser. Le salaud. Il se fait passer pour le gentil voisin avec qui je discute shopping, ou quoi? En tous cas, son numéro, il marche bien. Mon père fait toujours "oui" de la tête en écoutant Darren lui parler, et Mariko est dépitée maintenant, cherchant du regard Shigeru. Mais il n'y a que Darren ici.
   Darren présente bien, et j'imagine que mon père est en train de penser que c'est un bon parti, même s'il s'habille à demi en soubrette, à demi en "harrrrrd rock métal", comme dirait mon père, qui a tendance à s'apparenter à ce genre musical. La conversation file sur un tout autre sujet, quand tout d'un coup, Mariko s'eclame...

Mariko : Tu couvres le décoloré aussi, toi, l'épouvantail?

Darren : Pardon? Un décoloré? (Darren a un sourire crispé, et ses poings se referment dangeureusement. Il veut lui casser la gueule aussi.) Je n'ai jamais vu de décoloré dans le coin! (Il se tourne vers moi.) Kami, ils cherchent un ami à toi?

    Darren. Me. Sauve. Ou. Je. Suis. En. Train. De. Rêver? Je cherche une réponse à faire, très vite. Il fait de son mieux, ça se voit, en essayant de me couvrir. En plus, il ne connaît rien de ce qu'il s'est passé. Bref. Réléchissons vite et bien. Merci Darren.  
     Je bredouille à Darren que j'ai effectivement un ami qui est décoloré, un professeur qui plus est, et que tout le monde est en train de se tromper à son sujet. Il hausse un sourcil. Comme s'il ne le connaissait pas et n'avait jmais rencontré ce fameux...

Kami Sakuraï : Shigeru.

Darren : Oh. Ce brave type. Il est venu tout à l'heure, il n'y a pas si longtemps, en fait. Il te cherchait...

     Je vois bien que Darren est en train de mentir et de partir dans des lieux communs : il sait que j'ai probablement passé une partie de la journée avec Shigeru, que, comme les deux derniers jours, je devais rentrer avec lui, mais tadam et surprise, me voilà avec ma famille inquisitrice sur les bras.  
     Il se débrouille bien, notre conversation tourne un peu dans le vide, lui me demandant si l'heure du thé de demain est maintenue. Bref, tout le monde nous regarde, ils sont tous spectateurs et commencent à s'ennuyer de ne pas avoir un grand champ d'actions possibles. C'est juste une converstion banale entre deux voisins, et l'accusé est aux abonnés absents.

Kogoro : Bon. On ne va pas vous embêter. (Mon père dit ça d'un ton... Comme si voir Darren parler avec moi l'avait convaincu que Shigeru était un siple am, et qu'il ne m'avait jamais plus approchée que ça... S'il savait.) Bon thé à vous deux. (Il se tourne vers Mariko et ma mère, toujours mutique.) On va y aller, il est tard, hein?

    Ils descendent tous les escaliers, en se suivant en file indienne. Je souffle. Enfin, ils sont partis, et grâce à Darren ils ne sont pas venus mettre le nez dans mes affaires. Darren tourne son regard vers moi, nos yeux se croisent. Nous attendons d'entendre la porte claquer en bas, avant d'avoir une conversation à la Darren vs. Kami.
    La porte claque. On entend le moteur démarrer, au loin. Darren se plie en deux et se me à rire très fort, en essayant d'étouffer sa voix suave qui ressemble plus à un rire de hyène, à force.

Darren : C'était... Pfuhuhu... Moins une... Huhuhuhuhuhuhuhuhuhu.

Kami Sakuraï : Merci Darren. Merci infiniment. Je ne sais pas quoi...

Darren : Juste, quand vous batifolez, ton gars et toi, faites un peu moins de bruit, ok?

    Darren se pose sur les plus hautes marches, il est assis et m'invite à ses côtés. Je vais le rejoindre. Il plonge sa main dans un seau à côté de lui. "Bibine ou soda?". Il en tire un soda et ce qui semble être une bière, pour lui. Il ouvre sa canette et je l'imite. Il rigole contre sa canette, son maquillage blanc et noir s'enlevant aux endroits où sa peau touche sa "bibine".
    Je suis surrise de le voir si détendu en maprésence, et surtout si amical. D'habitude,il aime m'embêter ou juste m'ignorer, ou juste faire la tronche dans son coin. Bref, Darren, quoi.

Kami Sakuraï : Pourquoi as-tu tenu à me défendre? Pourquoi tu ne m'as pas balancée? Tu aurais pu te débarasser de moi et avoir une nouvelle personne à embêter, ou je ne sais quoi? Tu aimes m'embêter, et là, ça passe crème, tu me sauves la peau? Pourquoi?

Darren : Meuf, t'as l'âge de ma petite soeur. Donc quoi? Une quinzaine d'années, hein?  J'peux juste pas regarder une gamine comme toi se faire emmerder par des vieux comme eux. (Il inspire profondément.) Mes vieux, y sont comme les tiens, et ma petite soeur, je veux la faire sortir de là-bas vite. Ils lui mettent la pression, ils m'ont foutu la pression, je me suis barré de là fissa, tu piges? J'me fous que ton mec sois plus âgé que toi, ou je sais pas quoi. AU moins, il a l'air de mieux te traiter qu'eux ne l'ont fait c'soir...

    Je fais un petit "oui" de la tête. Darren se confie à moi. Ce conflit avec mes parents auraient fait en sorte de créer des liens avec mon meilleur ennem-ami? Il boit une longue gorgée, se redresse un peu. Le fait de parler semblait l'avoir fait s'affaisser de plusieurs centimètres sur lui-même.
    Il s'étire, et se met à finir d'un trait sa "bibine". Il jette le cadavre de canette dans le seau - qui apparemment est une couverture pour ses boissons durant ses moments d'errance. Il se lève, me regarde et me tend une main amicale.

Darren : J'vais pas t'emmerder avec ça. Allez, viens. Rentre vite chez toi. Je suis désolé, mais ton copain est pas encore rentré. Je reste dans le couloir pour guetter son arrivée, ok?

Kami Sakuraï : Ce qui est arrivé, ça peut rester entre nous? Je ne veux pas l'inquiéter...

    Darren sourit, fait "oui" de la tête et m'aide à me relever. Il m'amène jusqu'à la porte de mon appartement, après avoir plongé sa main une nouvelle fois dans le seau pour en tirer une nouvelle "bibine" et du soda. Il me lance un "Hé!" sonore et la canette. J'ouvre ma porte en lui faisant un petit signe de tête, et j'entre, ne me retournant pas sur lui, car il a déjà détourné le regard vers les escaliers.

Lieu précédent.

Samedi 5 août 2007

Shigeru Yamane: Aaah... Aaah... Putain.

Bordel, mes côtes! Il est minuit et quarante-trois minutes. J'ai eu le temps d'envoyer un "j'arrive" à Kami par SMS, il y a environ une demie-heure. Mon énergie restante m'a permis de désespérément traîner ma carcasse malheureuse vers le logement de Kami. Le sang a pu sécher sur mes vêtements et mon visage. Bilan: je boîte au niveau de la jambe gauche, mon genou droit plie mal, j'ai un œil enflé, du sang sur les lèvres et des éclaboussures un peu partout sur mon visage et ma veste et en plus de ça, je pue la mort. Aaaah. Enfin. L'immeuble à Kami. Tiens? Je vois au loin un petit groupe qui parle vivement près d'une bagnole. J'arrive pas à les identifier. Déjà que j'suis myope, mais avec un œil au beurre noir ça aide encore moins à la tâche. 'tout cas, c'est sûr qu'il y a une grosse dinde qui hurle parmi eux, et un homme et une femme qui font s'asseoir la grosse dinde hystérique à l'arrière de la même vieille bagnole. Bah. C'est pas mes affaires. Je dois juste éviter que leur regard se pose sur moi. Argh... Allez... Encore trois pas.

Tatie et Tonton me font monter à l'arrière de leur voiture, ils ont l'air charmés par ce fameux "Darren". J'avoue que, s'il n'avait pas été aussi jeune, et si je n'étais pas vraiment casée... Il a l'air plus présentable que son décoloré, et lui, il parle bien, au moins. Tatie se remet à vivre, elle sait que sa peste de fille est en sécurité, et Tonton... Tonton prévoit de marier sa bâtarde avec son voisin.
   Mais pour moi, le jeu ne marche pas. L'autre décoloré avait l'air trop en colère pour n'être que son ami, et en plus il a spécifié qu'elle était sa copine... Je suis sûre qu'ils cachent des choses, à deux. Sûr, elle a déjà été sautée par ce cassos, même. Vu tout le temps qu'elle passe seule, ça m'étonnerait même pas.

Kogoro : Mariko, Toshi... R'gardez. Y'a quelqu'un là-bas.

    Tatie et Tonton se taisent, mais je continue de bavarder, question de maintenir l'illusion de "on vous a pas vu, le clochard". Manquerait plus qu'on nous demande une pièce après tout ça. La silhouette marche de travers. Ouais, c'est un SDF bourré. Il a l'air de détourner le regard, mais tant mieux, on traîne pas avec ce genre de déchet, nous autres. Enfin, surtout moi. Kami, c'est moins sûr.

Mariko : Tonton, on démarre? Il s'approche trop de nous, non?

Kogoro : Il a pas l'air bien. C'est un type, je crois. Peut-être un jeune qui sort d'une baston, ou un pauvre gars à la rue?

Toshi : Ce quartier est réputé pour être plus pour les jeunes, et pas pour des jeunes disons bagarreurs. Kogoro, on a bien fait attention de bien placer Kami, comment ce genre d'incident pourrait arriver ici?

Kogoro : C'est vrai. Bah. Sûrement un de ces jeunes qui fait du "èrepégé", vu sa dégaine...

    La voiture démarre, et on passe juste à côté du type. Il a la gueule maculée de sang, c'est pas beau à voir. Je ne vois pas son visage à cause du sang et parce qu'il passe dans un endroit où peu de lumière vient éclairer sa tronche. Il a l'air d'un débris. Tonton a raison, sûrement un jeune déguisé, et trop bourré pour savoir où il est.

Kogoro : R'gardez, c'est qu'c'est drôlement bien fait, on dirait tout du vrai!

    Tonton fait un appel de phares et ouvre son carreau en criant "Hou hou hou, soldat, repos mérité!". Il se prend au jeu. Il a l'air moins tendu que tout à l'heure. Il s'imagine peut-être déjà Kami en plein "thé" avec Darren. Nous nous éloignons dans la rue, et nous tournons à gauche au bout de la rue. Je regarde derrière moi. Le type déguisé tourne à la résidence. Ouais, sûrement un jeune bourré qui fait la fête de façon dégénérée. Quel dépravé.

Comment ça, "soldat"? C'est ma veste militaire, c'est ça? Ben voyons. On me prendrait pour quoi, un cosplayer ou un fan de paintball? Bah... Si vous voulez. Un des types dans la bagnole m'a gueulé dessus... Drôle de gus. Faudra que j'en parle à Kami, ça pourrait la... Divertir. Je n'ai plus d'énergie. Mais miracle, j'arrive à pousser la porte de l'immeuble. Faut qu'j'me grouille, y a pas moyen. A... Argh... Mais dans la cage d'escalier, j'aperçois... Oh, non, pas toi. Putain, Darren. Il est fièrement accroupi au premier palier, mais il vient de faire un geste furtif pour poser, de façon vivace, un objet dans son sceau d'eau. Hum... C'est pas l'moment, Darren. Attends... Mais pourquoi...

Shigeru Yamane: Euh, yo mec. Excuse-moi de paraître impoli, mais, pourquoi tu portes un tablier d'soubrette?

Ah. Voilà le copain de Kami. Il paraît exténué, et... Il est couvert de sang? Un truc louche, là. En plus, ce con, en plus d'être en mauvais état, il me demande pourquoi je suis sapé comme jamais. Je fais le ménage, andouille. Enfin, je fais semblant, ça se voit pas?
   J'ai l'impression qu'il est à deux doigts de tourner de l'oeil. Misère. Heureusement, mes cours en médecine - merci apa, merci maman - pourraient être utiles; J'ai au moins un niveu d'infirmier, même si j'étais censé devenir un grand chirurgien.

Darren : J'sais pas, p't'être que j'ai un fétiche? (Ouais, ça me va bien d'ironiser, là, comme ça.) Excuse-moi de paraître impoli, mais... t'es pas dans un état propice à la discussion, là, non?

Je ris par rapport à la situation, et au supposé fétiche sexuel déviant évoqué sans gêne.

Shigeru Yamane: Haha, mais c'est la stratégie Eminem ça monsieur, parler de ses petites faiblesses et de ses perversions cachées pour se donner davantage de force, et riposter par la suite! Mais concernant ma forme, j'avoue, c'est un bon point... Pour... Ah... Ah.

Mes muscles me lâchent.

Oh, putain, ce con blablate encore alors qu'il tient à peine sur ses quilles. Et merde. Il s'écroule devant moi comme un pantin de chair. Heureusement, je suis en alerte, j'ai pas trop trop bu, ce soir. Je flippe un peu, même beaucoup : le gars avait pas l'air dans un état si génial, mais là...
   Je tâte mes poches à la hâte, pour trouver mon téléphone portable. Et merde. Je suis en tablier de soubrette. Mon portable est dans ma veste chez moi. J'ai pas le temps, faut que je le trouve dans le tas de vêtements, et... MERDE. MERDE. MERDE. Je stresse, putain. Je pensais pas qu'il allait tomber d'un coup d'vant moi, je pensais au moins pouvoir amortir sa chute...

Darren : KAMI. RAMENE TON DERCH.

    Dans la panique j'ai crié et parlé de manière trop naturelle. J'entends les pas précépités de Kami, elle ouvre la porte à la volée, et me demande ce qu'il se trame avec moi. Pas le temps de lui expliquer. Faut des secours, merde. Je ne connais que les premiers soins, et encore, le cas de son gars semble désespéré.

Darren : TON PORTABLE. MERDE. VITE. UNE AMBULANCE.

J'entends Darren parler dans le couloir. Peut-être au concierge? Bref. Je prépare tout. Il est tard,j'ai envie de dormir, mais d'un autre côté je suis paniquée de ne pas voir Shigeru venir. Darren semble poursuivre sa conversation dans le couloir, et je l'entends ironiser sur sa situation de métallleux en soubrette. Il a dû croiser un voisin blagueur...
    Alors que je suis en route pour la salle de bains, pour enfiler mon pyjama, j'entends Darren crier à pleins poumons. Il a quoi, ce soir? Il me demande d'amener "mon derch", façon polie de faire en sorte de me faire venir à la hâte. Quand j'arrive et que j'ouvre la porte, je l'entends paniquer un peu.

Kami Sakuraï : Quoi encore?

    Il me crie dessus, en proie à de vives émotions négatives; Il veut que j'appelle vite les ambulanciers. Pourquoi? Alors que je commence à composer le numéro des urgences, je vais dans le couloir et je regarde en direction de darren. Il n'est plus sur les marches accessibles à ma vue, il est en fait plus bas... Avec Shigeru... En sang... Par terre.  
    J'étouffe un cri de panique. J'ai aussi envie de vomir, subitement. Je tournemême presque del'oeil. Mais je tiens bon. BON SANG, QU'EST-CE QUE T'AS FOUTU, DARREN?

Kami Sakuraï : Ah, ça cachait ben quelque chose... Ce... Ce fait d'être gentil... Av... Avec moi!

Darren : Hé! C'est pas de ma faute s'il est comme ça! Il est arrivé dans cet état!

    Mon coeur flanche et mon portable échappe de mes mains alors que j'entends très clairement un "Allô?" provenant de l'appareil. Qu'est-ce qu'on va faire? Qu'est-ce qu'on va faire..? Mon portable tombe aux pieds de Darren, trop occupé à tenir Shigeru.
    Darren, résigné, et me voyant incapable de faire quoi que ce soit, décide de mettre littéralement Shigeru en P.L.S. Je sus aussi à deux doigts de tomber et de me trouver dans cette posture de mon plein gré. Mon courageux voisin arrive à prendre la situation en mains, d'un coup, comme s'ilavait eu une force de dernière volonté.

Darren : Hé! Shigeru, t'es encore avec nous, hein? Mon pote?

Ma vision se brouille et mes chairs brûlent. J'ai même l'impression d'avoir les os moins solides qu'au début de la journée. Ces bouts d'escaliers peuvent pas être pires que de rester debout sur ces deux pathétiques allumettes qui me servent de jambes. Dès lors, je comprends tout ce qui se passe, enfin, par bribes. Ah... Non... Darren est en train de flipper, qui l'eut cru? Il appelle Kami... J'entends la belle voix profonde de ma rouquine. Non, non. Je sens qu'on me bouge. Ne paniquez pas, les gens. Zut... Et moi qui croyais pouvoir faire une entrée discrète, tout en contrôle et en attitude... J'ai encore des choses à apprendre. Faudra que je me remette en forme, physiquement... Ah. J'ai encore assez de conscience pour parler, mais plus assez pour bouger.

Shigeru Yamane: ...'as... L'hôpital... Pas l'hôpital, les gens, ça va l'faire... Juste musculaire... Léger...

Je bave un peu, mais j'essaie de faire comprendre à tout ce petit monde qu'une bonne nuit de sommeil suffira probablement à ce que je puisse me rétablir. Bon, j'avoue, j'y crois qu'à moitié, et j'ai l'impression que la surface froide sur laquelle Darren m'a déposé est devenue comme des sables-mouvants. J'ai mal. Mais au moins, j'évite les embrouilles. J'en ai déjà suffisamment accumulé ces derniers temps pour ne pas avoir envie qu'on me pose plus de questions.

Shigeru Yamane: Kami... Coucou, championne... J'suis désolé... Je rentre un poil tard... Eu des soucis sur la route...

Darren et moi, on se regarde. Il a l'air de ne pas croire Shigeru, sur le fait de ne pas appeler l'hôpital, mais bon,sion va à l'encontre de ce que dit Shigeru, il pourrait "s'emporter" et ce ne serait bon ni pour son coeur ni pour son corps. Darren me fixe toujours, sa bouche tordue par une drôle d'expression. Il fait aller son regard de moi à Shigeru, et de Shigeru à moi.
    D'un coup, il relève ses manches, enlève son tablier de soubrette dans un geste magistral et jette à terre son habit de bonne; Il inspire un grand coup en fermant les yeux. On dirait qu'il essaye de sesouvenir de quelque chose. Puisil commence à parler tout bas, tout seul, à voix pas du tout intelligible..

Darren : Déjàarrivéçaçapeutêtregravemaistentons... Kami. Va chercher les draps les plus solides possibles. Dégage le chemin, pose un futon par terre et ouvre grand la porte de chez toi, ok?

   Je m'exécute très vite, et je reviens auprès de Darren et Shigeru après quekques minutes seulement - mais ça me paraˆt être des heures. J'aide Darren à mettre en place Shigeru sur le drap. Il me demande de porter le côté du drap où il y a les jambes de Shigeru, lui s'occupe du haut. On le monte vite dans ma chambre.

Darren : Sur le futon. Voilààààà.