Convalescence et croquis [Fermé]

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Mardi Premier Août 2018

J'arrive dans la cour de l'Hôpital de Domino à 18h47. Purée, ils pourraient pas réparer le métro un jour, dans cette ville? Remarque, pas envie de payer une fortune pour un abonnement, et puis, la politique de la commune est trop changeante pour que les transports soient réguliers. M'enfin. C'est ma Domino, j'aime cracher dessus mais au fond j'peux pas m'en séparer. Le demi-soleil m'a accompagné, on dirait qu'il est bordé des cheveux de Kami, c'est assez drôle.

La grande structure blanche me surplombe, et bien qu'il ne fasse pas encore nuit, les lumières d'extérieur et celle de la croix rouge se sont allumées peu après que j'aie passé le portail. Wow, ils reçoivent encore l'électricité ici? Blague à part. Même si l'hosto a pas très bonne réputation, c'est toujours mieux que rien pour accueillir la femme blessée de ce matin, et ça en a pas l'air mais c'est le meilleur de la ville. Faut dire, c'est pas bien difficile, le deuxième a fermé cette année... Je pousse la porte qui émet un grincement un peu sinistre, puis j'arrive dans une minuscule entrée qui précède le hall, servant juste à caser le distributeur de boissons quelque part. Je pousse une deuxième porte vitrée et je constate que c'est quasiment vide. Mais à mon grand soulagement, une réceptionniste est encore là. La seule autre personne présente est un vieux monsieur en chaussons qui lit son journal.

Shigeru Yamane: Ah, euh, madame... Excusez-moi, l'Hôpital m'a appelé vers dix-huit heures, je suis Shigeru Yamane! C'est le médecin, euh, Masami Habu qui m'a contacté pour que je la voie.

La réceptionniste a l'air d'être une infirmière encore étudiante. Elle a un regard pas très vif (ça se comprend avec la chaleur, ils ont l'air de pas avoir mis la clim en bas) mais je lui donne pas plus de vingt-cinq ans, elle mâchonne même un chewing-gum.

Réceptionniste: Hum... Mouais... Deuxième étage, chambre 148, suivez-moi.

Elle me perd dans un dédale de couloirs et d'artères, je savais plus que cet Hôpital était aussi grand. La dernière fois que j'y suis allé, c'était quand... Enfin, je ne préfère pas y repenser. Ces couloirs sont vachement glauques quand il y a personne, en fait. Et l'autre brune avec son chewing-gum qui dit pas un mot. Nous finissons par y arriver, même si j'ai l'impression de plus avoir de jambes à cause de la fatigue musculaire accumulée depuis ce matin.

Réceptionniste: Docteur Habu, y a ce monsieur que vous deviez voir. Je vous laisse, j'retourne à mon poste.

Elle a ouvert la porte. Et là, je vois la miraculée de ce matin, alitée et les yeux fermés, endormie dans un sommeil qui a l'air de puiser beaucoup d'air. Assise sur une chaise en plastique, une femme entre deux âges me fixe. Elle a le nez pointu, une bouche fine et une mâchoire carrée avec un léger creux au niveau du menton. Comment dire. J'ai l'impression qu'on me passe aux rayons X. La porte claque et le docteur Habu se met à met à me parler sans détour.

Masami Habu: Vous. Vous êtes bien résident de Domino, n'est-ce pas? Vous n'avez pas trop eu de mal à trouver?
Shigeru Yamane: Résident de Domino, en effet... Pas vraiment, pour vous dire la vérité j'ai déjà été patient ici.
Masami Habu: Tiens donc. Et vous aviez quoi?
Shigeru Yamane: C'était dix ans auparavant. J'avais des toxines dans le sang et ça me provoquait des tremblements incontrôlés.
Masami Habu: Ah oui, dix ans? Ça m'étonne.
Shigeru Yamane: Pourquoi?
Masami Habu: En général, les gens allaient à la Clinique Générale de Domino, pour se désintoxiquer ou soigner les poisons. Mieux équipée à l'époque.
Shigeru Yamane: J'étais au Lycée Rintama, juste à côté.
Masami Habu: Ah oui, le Lycée Rintama...

Elle porte son index au sinus et triture son visage, ça doit être une sorte de toc. Déjà que la plupart des gens trouvent que j'ai l'air négligé, c'est souvent le genre de réaction que je provoque quand je dis que j'ai étudié là-bas, avant le supérieur. Je suis le seul de ma promo à être allé à la FAC, quand j'y repense. Comme si elle voulait passer à autre chose, elle repose brutalement la main sur son genou. Elle sort un bloc-notes.

Masami Habu: Vous l'avez trouvée ce matin, derrière le fleuriste Kozuka. Quand vous êtes arrivé, il n'y avait personne d'autre, c'est bien ça?
Shigeru Yamane: Oui, j'étais juste en train de me promener et...
Masami Habu: Vous ne connaissez pas personnellement cette femme?
Shigeru Yamane: N... Non, je pense pas.
Masami Habu: Vous ne pensez pas?
Shigeru Yamane: Ben, vous savez, pendant mes années en FAC, j'sortais beaucoup!

Ce qui était totalement faux, mais la manœuvre avait pour but d'éviter d'expliquer que j'étais pas physionomiste pour un sou, et qu'il fallait vraiment que j'observe un visage sous tous ses angles possibles et de très près pour l'identifier à coup sûr! En tout cas, non, je ne connais pas l'identité de la personne agressée, du moins je crois... C'est dingue, le regard de vieux dragon du docteur Habu réussit à m'faire douter!!!

Shigeru Yamane: J'espère que ça va bien, en tout cas. Elle... Elle a réussi à vous expliquer ce qui s'était passé?

La mâchoire du docteur Habu se relâche un peu. J'ai l'impression qu'elle se méfie moins, soit parce que j'ai l'air trop débile pour planifier un meurtre ou que mes abondantes gouttes de sueur passent pour de l'inquiétude.

Masami Habu: Malheureusement non. On va la garder en observation plusieurs jours, au moins une semaine vu la profondeur de certaines entailles, surtout au bas-ventre. La seule chose qu'elle aie dite depuis qu'on l'a admise ici, c'est ça: L'Émissaire.
Shigeru Yamane: L'Émissaire? Genre, comme un envoyé diplomatique?
Masami Habu: J'aurais espéré que vous en sachiez quelque chose. On a rien retrouvé dans ses effets personnels, on sait juste qu'elle travaille à la Duel Académie. Elle avait un badge magnétique à son nom dans son portefeuille. Elle s'appelle Seiko Kuriyama.

Soudainement et à ces mots, la jeune femme se redressa en hurlant, posture solide, l'appui de ses deux bras maigres la propulsant comme un de ces Diables en Boîte. Son cri est horrible, on dirait qu'elle va exploser et brûler. Elle a une expression de terreur et de douleur sincère, mais elle arrache son bloc-notes et son stylo au docteur Habu et tourne une page, pour griffonner à toute vitesse quelque chose, pendant presque une minute.

Masami Habu: MADEMOISELLE KURIYAMA! MADEMOISELLE KURIYAMA, CALMEZ-VOUS!

Elle continue de crier et elle se débat comme une démente en achevant son gribouillage. Elle tend la page vers le docteur Habu, et elle hurle ces mots:

Seiko Kuriyama: C'EST L'ÉMISSAIRE!!! C'EST L'ÉMISSAIRE DES TÉNÈBRES QUI M'A FAIT ÇA!!!!!!!!

Elle se met à inspirer comme une démente alors que j'ai juste eu le temps d'observer ce qui semblait être un dessin. Les traits de bic montraient un homme, je crois, avec une chevelure en pointes et en armure...

Masami Habu: Ce sera tout pour aujourd'hui monsieur Yamane, merci pour votre coopération! Vous pouvez rentrer chez vous maintenant. VITE!!!

Je m'exécute sans savoir pourquoi. Je ne suis pas terrifié, mais je n'ai pas envie de davantage de problèmes avec l'autorité. En espérant que le docteur Habu aie la situation bien en main. Je parcours à grandes foulées les couloirs de l'Hôpital, c'est maintenant que je me rends le plus compte que cet Hôpital sera sans doute bientôt à l'abandon vu l'état des lieux!! Les lumières du soir montrent des traces noires au plafond, voire même des débuts de moisissures -ou est-ce mon imagination?- qui en feraient hurler plus d'un. Je quitte l'hosto sans demander mon reste, sans prêter attention à la tête de vache de la réceptionniste.

Je rentre au plus vite à mon Appartement.

Changement de lieu.