Jambe cassée, métalleux, magicienne et infirmière [Ouvert]

Lieu précédent.

Samedi 5 août 2007

On m'a amené à une chambre au numéro bien singulier. La 147. Juste à côté de celle de Seiko Kuriyama. J'sais pas pourquoi je m'en souviens maintenant, mais une chose est sûre, si le destin existe, il se paie ma tête. Dans la petite chambre, je fais partie d'une scénette figée. Darren est adossé à un mur, au fond, près de la porte. Kami est assise à côté de moi et me tient discrètement la main. Et une infirmière plutôt bombasse vient de s'ajouter à la salade de pâtes que nous composions déjà, des cheveux blond platine et des lèvres bien pulpeuses. Putain, c'est là qu'après les diagnostics, elle m'annonce que j'ai un cancer de la prostate!!

Je regarde l'infirmière s'affairer dans la chambre. Je l'aime pas, elle. Elle a beau être sympathique - et amicale avec moi en plus - je ne sais pas, mais je l'aime pas. Je dois être jalouse, oui. Mais bon, je ne dois pas trop montrer mon humeur, ne pas me trahir. Quelle idée de dire que Shigeru est mon frère, non mais, sérieusement. De fait, je me retrouve à lui tenir la main en mecachant à moitié. Il faut se l'avouer, ça le ferait pas trop si mon mensonge était vrai, surtout la façon dont je tiens sa main, quoi...
    L'infirmière vient et se penche sur Shigeru, question de vérifier ses perfs - mais en même temps pour montrer ses... Ts. J'y crois pas - et faire quelques réajustements. C'est qu'elle veut se prouver quelque chose, celle-là, ou je rêve? En tous cas, Shigeru a l'air ravi, mais je ne sais pas si c'est parce qu'ils ont plâtré sa jambe, ou parce qu'ils ont injecté de la morphine par une des perfs, ou bien parce qu'il peut se rincer l'oeil... Ce sera à vérifier, ça.

Infirmière : Bon, tout m'as l'air d'être en ordre. Si vous avez besoin, Monsieur, appuyez sur ce petit bouton, sur la télécommande, et... Tamako sera là à votre service!

    Elle quitte la pièce avec un petit clin d'oeil discret, mais moi, je l'ai vu. Elle tente un truc, ça se voit gros comme une maison. Ta-ma-ko. Je vais la retenir, celle-là. C'est sûr...
     Darren quitte son mur,enfin, il ne joue plus la poutre porteuse. Il s'approche de nous, avec un sourire en coin. Maintenant qu'il est rassuré - et moi de même - sur l'état de santé de Shigeru, qui, pour le moment, n'est pas préoccupant, il vientarborant son sourire de taquin carnassier. Je t'en prie, Darren...

Darren : Alors, Imouto-chan, rassurée?

Kami Sakuraï : Un peu plus, même si je n'aime pas trop le personnel de cet hôpital, aussi compétent soit-il...

Darren : Awwww. Inquiète pour ton grand frère?

Kami Sakuraï : Ton clapet, Darren, ferme ton clapet.

    Je commence à hausser un peu trop la voix, parce que je suis fatiguée, parce quej'étais stressée, parce qu'un tas de trucs. Darren, aussi compatissant et gentil a-t-il pu être, est redevenu ce jerk que je ne connais que trop bien, soit. Quand je me tourne vers lui, il est en train de sourire, mais de gros cernes bordent ses yeux, et ses parenthèses du sourire sont creusées. Il passe sa main dans mes cheveux, me décoiffant au passage.

Darren : J'vais te chercher un truc pour te réveiller, ok? Après, je te ramène chez toi. Faut laisser ton grand frère se reposer, ha ha ha!

    Il quitte la pièce en nous adressant un signe de main. Quel drôle de bonhomme celui-là. Il est à demi une tête-à-claque, à demi un brave type. mais je ne peux pas m'empêcher de le maudire entre mes dents...
    Je me tourne vers Shigeru. Il a l'air totalement ailleurs. J'ai peine àle reconnaître sous le tas de compresses et habillé de la sorte : des habits d'hôpital ont remplacé ses vêtements qui ont été découpés avec une paire de ciseaux, et de manière violente, en plus - heureusement, j'ai insisté pour que sa veste soit gardée au plus proche de son état d'origine, pour pouvoir la recoudre...

Kami Sakuraï : Hé... Tu vas mieux..?

Shigeru Yamane: Ouais... Ça va... Mon cerveau va normalement, mais... C'est juste mon niveau d'énergie qui est pas terrible. En tout cas, mieux que tout à l'heure, ça c'est sûr. J'suis désolé... J'ai dû pas mal t'inquiéter, à voir la tête que tu tirais. Je sais pas quoi dire... Sinon, que j'ai hâte de commencer le boulot, entre les mecs déguisés qui tuent des nanas et les repris de justice qui te tabassent avec leur meuf de dix-sept ans, cette ville commence à craindre méchamment... D'ailleurs, ils l'a...

Je me reprends tout d'un coup. J'étais sur le point d'en dire trop, de dire "ils l'avaient bien mérité, leur Jeu de la Sanction". Dingue, ça. Le fait que je sois seul avec Kami me donne l'impression que je peux absolument tout lui dire. Mais ça, jamais. Je sais très bien que je n'étais pas dans mon état normal. Pourtant... Ce n'est pas explicable. Normalement, je me serais juste barré. Ou défendu. Mais, est-ce que j'avais réellement envie de les tuer? Oui, incontestablement. Le pire dans tout ça, c'est que j'y prenais du plaisir.

Shigeru Yamane: D'ailleurs, ils l'avaient dit, dans le journal télévisé de Domino, que le réseau des métros et des trams était hors services à causes des détournements de fonds publics par l'ancien maire. Tu le savais, ça?

Je suis vraiment le roi des débiles. J'ai repêché une info de la téloche vieille de deux mois au moins. J'espère avoir bien fait.

Shigeru me parle un peu de ce qui lui est arrivé, tout en admettant que, sur l'île, ce sera plus calme. Si seulement j'étais sûre de pouvoir me qualifier, sinon il va clairement avoir peur pour moi... Le pauvre est incontestablement dans un autre monde, passant du sujet de son tabassage à un sujet du journal télévisé un peu daté...
    Il dit avoir été tabassé par deux personnes, dont une femme... Une femme de...

Kami Sakuraï : Attends... Elle n'avait que 17 ans?!... La vache, elle est à peine plus âgée que... Enfin... C'est pas trop le sujet... Tu as réussi à t'enfuir? Et Akira, il va comment? Ils ne vont pas essayer de te retrouver, dis?

   Darren, enfin, Saeki et moi, on a vu que la partie visible de l'iceberg. Reste encore à voir comment va Akira, à identifier qui sont les deux malfrats qui se sont attaqués à Shigeru et à son ami, et à savoir s'ils sont désormais activement recherchés par la police...
    Misère. Je commence à flipper. Si ça se trouve, ils sont dans le hall de mon immeuble, à inspecter les traces de sang, et à nous chercher. Hiiiiiiiiii....

Tiens? Kami-chan fait une tête curieuse. Ah. Je pense qu'il faut que je la rassure.

Shigeru Yamane: Hé... T'inquiète pas, ils risquent pas de nous emmerder à nouveau. En fait, Akira, il... Il est pote avec des yak, tu sais? Il a envoyé certaines de ses "connaissances" retrouver le gars. Et pour la fille, toute seule, elle peut pas faire grand chose. Donc... Ne t'en fais pas. Eh, ce sera "à charge de revanche", comme on dit... Moi et Akira, on rend au centuple tout ce qu'on encaisse, haha! Et puis, ces petites merdes nous ont eu par surprise, mais...

Je m'arrête un instant.

Instructions MJ:

Le membre 'Koolbeer' a effectué l'action suivante : Lancer de dés

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'Dé à six faces' : 2

Oh... Je sais plus ce que j'avais à dire. Bah, ça devait pas être important.

Shigeru Yamane: Mais... Reste avec moi. Oups... Euh... Enfin, si tu en as envie. J'viens de me rendre compte que j'avais pas à utiliser de forme impérative avant de pouvoir être ton professeur, haha. Après tout, je t'ai déjà causé assez de tracas comme ça. Dis-voir, juste que j'sache... Tu es bonne en anglais, hum?

Mais soudainement, la porte s'ouvre et je vois Darren avancer d'un pas sûr vers nous. Mais qu'est-ce qu'il a en tête, lui?! Il veut quand même pas profiter de mon passage à l'hosto pour la courtiser?

J'passe la porte pépère et détendu. J'ai croisé le médecin en charge du Hippie. Et à part une jambe dans le plâtre, rien de grave. "N'empêche, étonnant de voir un jeune homme si résistant! Même en ayant eu des coups au crâne, aucun traumatisme... Il doit avoir un sacré ange-gardien!" avait dit le Doc. C'est vrai que j'étais impressionné, aussi, en entendant ça...  
   Je ramène des boisons, que des sodas - parce qu'y'a pas d'bières, ici - plutôt satisfat de savoir que j'aurais pas à être porteur d'une mauvaise augure, mais plutôt de bonnes nouvelles! J'dois voir un grand sourire de con en entrant. Shigeru me foudroie du regard. Il a quoi en tête, le Hippie? Bah, s'il va si mal, au lieu de s'acharner sur moi, il pourrait appeler son infirmière, et ça me permettra de mater ses nichons, huhuhuhuhu...

Darren : Ouaip? Un problème?

    Je lance une canette à Kami. Elle attrape la boisson sans se rater. Elle est douée, celle-là. J'devrais l'engager dans mon numéro de Sentaï au magasin, j'suis sûre qu'elle remplacerait tellement bien cet incompétent de Ryô...

Ce gars... Il a quand même l'air assez complice avec Kami, pour un simple voisin. Je pense pas que Kami soit jamais sortie avec, mais peut-être que lui, il a des vues sur... Raaah, je suis ridicule. Je vais quand même pas m'embrouiller avec un type qui m'a relevé alors que j'étais comme une merde dans les escaliers, si? De toute manière, c'est ni le lieu, ni le moment. On verra si ce mec entretient des liens privilégiés avec Kami par la suite, j'ai l'temps... Putain, c'est que j'suis possessif, quand même.

Shigeru Yamane: Ah... Nan, du tout. J'suis juste encore sur le coup de la morphine, c'est normal si je tire une face bizarre.

Ouais, bien vu. Je pense que j'aurais pas pu trouver meilleure excuse pour justifier l'air contrit que j'ai dû afficher. Je pense qu'il faut que j'apprenne à connaître ce gars avant de le juger. L'expérience m'a appris qu'il était très mauvais de se fier à une attitude plutôt qu'à des actes, et je pense que je peux en savoir pas mal, si je la joue fine...

Shigeru Yamane: Hé... Merci pour le coup de main, tout à l'heure. Kami et toi, vous aviez pas à voir ça... Dis, tu as réagi bien vite quand tu m'as vu m'vautrer... C'est ton boulot?

Darren se fige avant d'avoir ouvert sa canette de soda. Il regarde Shigeru comme s'il lui avait lancé une insulte. Il a l'air d'une statue effrayante, avec son restant de peinture qui dégouline sur son visage... Brr... Il fait vraiment froid dans le dos... Après quelques minutes à être resté figé, il se dirige de nouveau vers le fond de la chambre. Arrivé près de la fenêtre, il s'adosse de nouveau au mur et regarde au-dehors.
    Il a l'air de penser à quelque chose qui lui fait mal. Il reste mutique et fermé à toute conversation : même son corps vient traduire cette attitude,il reste à demi prostré, regard perdu dans le vide, ses yeux se refllétant dans la vitre. Darren ne doit rien voir du dehors, pour cause, il fait encore nuit, il doit être aux environs de quatre heures du matin, et c'est bien parce que nous sommes "de la famille" qu'on a eu le droit de rester aussi longtemps...
     Darren, après avoir été "absent" mentalement de la pièce, se tourne vers Shigeru, un drôle de sourire barrant son visage. Pas tout à fait un sourire, en fait, plutôt autre chose que j'ai du mal à décrypter....

Le Hippie m'a regardé avec un drôle d'air, et maintenant, le v'là à me poser des questions sur mon boulot; Il croit que je suis dans la médecine, ou un truc comme ça. Merde. J'aime pas en parler, d'ça, moi. Je tente d'éviter toute question, et je vais me poster dans un coin d'la pièce. J'espère que leur conversation va reprendre naturellement, aux amoureux...
   Bah pas du tout. J'ai beau regarder dehors et faire le ténébreux, ils me fixent encore, là, à attendre une réponse de ma part, ou quoi? J'dois faire peur, depuis un point de vue extérieur; Quand j'me vois dans le reflet, j'ai mon vrai visage à peu près visible. Et j'aime pas ça. Putain, c'est pour ça que je suis devenu métalleux. ¨Parce que j'ai plus besoin d'afficher mon horrible face d'acteur à tous et que j'peux être c'que je veux.
    Comme Shigeru et Kami me fixent encore, je décide que leur faire une petite réponse, ça va les rassurer, et ils vont me trouver moins glauque - surtout le Hippie, là.

Darren : C'était ce qui devait être mon boulot. J'ai fait deux ans. J'ai arrêté l'an dernier. Maintenant, j'suis "acteur". Alors, ça te va comme réponse, ou je dois te déballer toute ma vie?

    J'suis pas chaud pour tout lui dire à lui. Encore, sa nana, ouais. Parce qu'on dirait ma petite soeur, parce qu'elle a le même âge, et surtout parce que j'ai vu c'qu'étaient ses vieux - et une autre meuf de sa famille - et c'était pas du joli-joli. Elle a b'soin d'aide, la gamine, ça se voit. Et si j'peux l'aider, pourquoi pas.
    Je bois ce qu'il reste de mon soda. Kami a presque fini le sien aussi. Tant mieux. Je suis crevé, j'ai boulot dans quelques heures, je vais devoir faire le ménage pour de vrai cette fois et on a du chemin à faire pour rentrer à la résidence. Autant dire, c'est pas de tout repos. Et la résidence est loin d'ici.

Darren : J'vais attendre devant, je surveille la porte. Vous faites c'que vous voulez pendant cinq minutes, ça m'regarde pas, pigé? (Je me tourne vers eux. Kami est toute rouge; Bah ouais, t'es pas discrète.) Allez, à plus, le Cascadeur.

Shigeru Yamane: Qu... Eh mais!

Le bonhomme vient de fermer la porte, un peu violemment mais sans la claquer non plus. Les yeux de ma rouquine semblent me fuir. Alors ce gars, ce qui est sûr, c'est que c'est un personnage. En tout cas, mon intuition ne m'a pas trompé. Darren a bel et bien un passif dans le médical, même si apparemment il a fait que deux ans d'étude. Et quelque part, je peux comprendre ça... J'ai mené mes études jusqu'au bout, mais je sais bien que ce qui m'a permis de pousser ces dernières à leur terme, ce n'était ni mon intelligence, ni ma détermination. Juste la soumission à des institutions qui me débectaient. Devoir faire des travaux de groupe. Consulter les revues des expositions. Faire semblant d'y être allé, sauf des fois où j'avais vraiment rien d'autre à glander. J'ai toujours eu des facilités rédactionnelles et une attirance particulière pour tout ce qui relevait du littéraire, au grand désespoir de ma daronne. Si j'ai poussé jusqu'en maîtrise en revanche, c'était juste pour avoir un boulot, pas par passion. Je me demande quel âge a Darren. Peut-être un peu plus jeune que moi, qui sait. J'aurais bien aimer pousser la conversation un peu plus loin, tout en restant sur mes gardes par rapport au fait qu'il puisse en pincer pour Kami, mais maintenant, on dirait qu'il a forcé la main à mademoiselle pour l'accompagner: c'est de plus en plus énervant.

Bon. Kami et moi, on se fixe enfin dans le blanc des yeux. Punaise. Je vais quand même pas lui demander un truc du genre "et donc, ton voisin Darren, tu penses pas qu'il puisse avoir des vues sur toi?" après l'avoir potentiellement mise en état de gêne contagieuse. Non, je vais juste dire toute autre chose qui m'passe par la tête...

Shigeru Yamane: Dis-voir, Magicienne... Il va falloir qu'on s'occupe VRAIMENT de ton inscription... Faut que t'ailles sur le site de la Kaiba Corp, pour remplir le formulaire. J'y tiens. Je veux vraiment te retrouver là-bas. Promets-moi que si tu rentres, tu vas t'y pencher tout de suite, OK? Je ne veux pas que tu puisses être ailleurs... Après tout, tu me dois bien un devoir maison, hé... Ah... Ah!! ATCHOUM!

Un courant d'air arrive à mes narines et la porte de la chambre s'est ouverte. Personne. Huh. J'vais pas me mettre à penser à des histoires de fantômes dans un hôpital la nuit, c'est un chouïa craignos.

Kami Sakuraï : Hé! Mais j'ai jamais signé pour un devoir maison! Rah là là... (Je détourne le regard, et je fais semblant de bouder. Il fait un peu froid, Shigeru éternue.)  Et à tes souhaits.

   Je n'ai plus les ides très claires. Depuis que Darren m'a dit qu'il me ramenait chez moi, j'ai sommeil. J'ai besoin de repos au moins aujourd'hui... Mais je n'ai pas le coeur à abandonner Shigeru. Le pauvre, attendre ici tout seul... Bon, il ne reste que trois jours, le temps de surveiller son état, de voir s'ils n'y aurait tout de même pas des complications vis-à-vis des chocs à sa tête, et puis aussi pour soigner les blessures à son visage. "On va peut-être devoir lui bander le visage en partie, s'il veut vraiment sortir dans trois jours, après le temps d'observation", c'est ce qu'a dit le médecin, gêné du fait que Shigeru ne passe malheureusement pas inaperçu...
    Je commence à piquer du nez. Il y a vraiment eu trop de choses aujourd'hui, et le repos ainsi que le calme seraient bienvenus. Je baille en mettant ma main devant ma bouche; J'ai maintenant l'impression d'être en plomb. Je m'étire et je regarde Shigeru. Il a l'air encore assez en forme pour quelqu'un qui a été roué de coups quelques heures auparavant.

Kami Sakuraï : Je suis désolée, mais je vais devoir te laisser... (Pour appuyer ce que j'ai dit, l'infirmière de tout à l'heure est revenue et a ouvert la porte. Elle se tient dans le cadre de la porte.) Je reviens dans la journée, Nii-sama, d'accord?

Shigeru Yamane: Héhéhé... D'accord... Imouto-chan... Tarde pas trop, ça va... Je vais m'en sortir.

Je me penche et je fais un bisou sur la tête meurtrie de mon "grand frère", sous le regard insistant de l'infirmière. Oui, oui, je vais dégager, c'est bon. Un dernier au revoir, auquel s'ajoute rapidement un "à tout à l'heure". Je me lève de la chaise et je me traîne péniblement vers la sortie de la chambre.
    Quand je ferme la porte, laissnt l'infirmière avec Shigeru, j'entends cette dernière parler un peu, puis s'exclamer haut et fort, dans une sorte de joie - j'imagine non-partagée :

Infirmière : Allez, Monsieur, c'est l'heure de la première prise de tension et autres... incommodités... Mais avec le sourire!

     Darren est en train de se retenir de rire, se tenant les côtes. Il est crevé, mais il n'a rien perdu de sa superbe concernant le "j'aime me moquer des gens". Darren s'arrête quand je le fusille du regard. Il sourit et fnit par me tendre la mainen me disant qu'on a un bout de chemin à faire et qu'on a pas intérêt à tarder.

Finalement, vers trois heures et demie du mat, je me suis retrouvé dans un profond, très profond sommeil.


Vibrations. Je flotte. Comme la corde d'une guitare effleurée du doigt, je produis un son léger, qui doit résonner vingt mille fois plus fort dans les profondeurs des ténèbres, car les parois sont étroites. Je fais un cauchemar où je suis nu dans une boîte. Non. Je me débats, je tape sur le plafond... Je ne veux pas crever ici! Encore, encore! JE NE SUIS PAS MORT, PUTAIN!!

Et à force de cogner comme un demeuré j'ai réussi à m'en sortir. Ah.

Il se trouve que j'étais dans un cercueil, type européen. Avec une légère touche occulte dessus. Le couvercle a volé, et j'ai pu voir un pentagramme. Pas génial, comme lit, et plutôt anxiogène. Tout autour de moi, il y a de l'eau... Je comprends. C'est le même lac que j'avais traversé pour voir Ishizu. Sauf que là, j'y voyage non pas en barque, mais dans un cercueil. Je regarde le pathétique couvercle s'éloigner au loin. Il sera transporté par les flots je ne sais où, et c'est le dernier de mes soucis. Je ne sais pas si le cercueil flotte en étant agité juste par le remous des vagues, ou si je suis condamné à emprunter une direction précise. Toujours est-il que c'est calme ici, et que malgré le fait que je ne porte aucun vêtement, je n'ai pas froid. Ah... C'est si tranquille... J'aimerais bien que ma traversée de l'Océan Pacifique pour aller à la Duel Académie se passe aussi bien...


Tiens, un îlot. Ou une île, je ne sais pas bien. En tout cas, au loin, il y a clairement de la terre. Je décide, en toute imprudence et avec toute la stupidité dont je puisse faire preuve, de bondir hors du cercueil et de nager jusqu'à ce petit îlot, ou continent perdu. Plus je me rapproche, plus j'aperçois nettement ce qui se trouve là-bas. C'est une plage semblable à celle où j'ai parlé à Ishizu, à quelques détails près. Il y a une petite cabine téléphonique plantée au milieu, et des palmiers. Ce serait presque comique, mais le ciel violacé sombre qui enveloppe mon cauchemar n'est pas propice à une atmosphère paradisiaque. Tiens, ça sonne. Que faire?

J'avance nu vers le combiné.

Shigeru Yamane: Euh... Allô?
Phoenix Sacré de Nephtys: Bien joué. Tu as fait du bon travail.
Shigeru Yamane: Oh, la ferme... Tu trouves ça drôle?
Phoenix Sacré de Nephtys: J'ai adoré le passage de... Comment c'était, déjà?... Ah oui. De la batte de base-ball que tu as introduit de façon fortuite dans son fessier.
Shigeru Yamane: Faut pas me chercher. Bon, alors, ce contrat? Le pacte?
Phoenix Sacré de Nephtys: Tout ce que je t'ai promis a déjà été accompli. Kami Sakuraï ne mourra pas par accident, et Seiko Kuriyama a déjà repris ses esprits. Elle devrait être particulièrement loquace à ton réveil.
Shigeru Yamane: Cool, cool, et moi? J'suis explosé de partout et je dois aller enseigner à la Duel Académie dans moins d'un mois! Comment je vais faire? C'est pas comme si avoir un plâtre ou quoi que ce soit me dérangeait, mais... Pour l'image, une gueule comme la mienne au moment présent, c'est pas top!! Au fait, j'ai vu mon reflet dans l'eau... Et, comme par magie, il se trouve que je n'ai aucune blessure. C'est pas comme ça en vrai, hein?
Phoenix Sacré de Nephtys: Tout juste. Comment l'as-tu deviné?
Shigeru Yamane: Ben, on est juste des âmes, ici. Et Ishizu était en pleine forme. J'imagine qu'on est, dans ce monde en tout cas, la simple émanation d'une idée... Non?
Phoenix Sacré de Nephtys: C'est beau ce que tu dis. Ne t'en fais pas, tu devrais guérir totalement en quelques mois, six mois tout au plus. Mais si ce n'est pas suffisant, je peux accélérer ton métabolisme en échange de... Disons... Un petit meurtre.
Shigeru Yamane: Ah, non hein!!! Plus de ça! J'ai bien été gentil, mais les ennuis pour moi, c'est terminé okay?
Phoenix Sacré de Nephtys: Comme tu veux... Tu sais, ton état physique n'est pas irréversible, mais tout de même assez handicapant, je n'y peux pas grand chose... Alors, tu vas être réveillé par la douleur dans quelques secondes, Shigeru...

Soudain, un jet de flammes sort du téléphone et pénètre mon oreille. Je vais crâmer, putain!!! LA SALOPE!!! Une déflagration produit un incendie énorme qui me grille sur le champ. C'est à ce moment-là que je me suis réveillé.


8h35, Hôpital de Domino. Mes muscles sont endoloris et je suis seul dans ma chambre. Des fleurs ont été déposées sur ma table de chevet.

Neuf heures. Comment se porte mon patient bagarreur aujourd'hui?  Il allait bien, il y a encore quelques heures, et était toujours en état de parler - surtout de me "crier" dessus, après la batterie de petits examens que je devais lui faire passer. J'ai aussi d'autres patients à voir, ce matin, en priorité, selon mon planning. Je suis fatiguée, j'ai eu une nuit courte, quatre heures à peine. Tout ça, ça me rapelle ma vie en tant qu'interne avant de faire un virage à 180 dergrés et de me retrouver infirmière.
     Les couloirs commencent seulement à prendre vie. Je viens seulement d'entrer en service, après avoir quitté mon poste ce matin, vers 4h heures. Il manque de personnel ce matin, je dois remplacer mon collègue tombé malade - coup de chaleur, je suis donc d'astreinte jusqu'à ce qu'un autre collègue ne vienne en remplacement. Heureusement, j'habite à deux rues de l'hôpital.

      Je dois m'occuper de trois chambres en priorité, celle de Monsieur Yamane, celle d'une jeune fille prénommée Seiko et celle d'un autre patient âgé plutôt pervers réclamant "son bocal de cornichons". Les deux premiers cas sont les moins difficiles, me prennent peu de temps, mais le dernier est une vraie plaie, encore heureux qu'il quitte le service aujourd'hui.
       Je m'occupe de la chambre de Seiko. Elle s'est réveillée très tôt ce matin. Elle a été déplacée dans mon secteur à peine hier, car son état s'améliorait grandement. uAjourd'hui, elle est de retour parmi nous. Elle est encore calme, et on a ordre de ne pas trop la "bousculer", d'après le chef de service des policiers vont venir l'interroger : elle est entrée à l'hôpital dans de drôles de circonstances....
       Après avoir fait le nécessaire pour Seiko, je vais m'occuper du petit vieux. Il est en train de lire un livre de recettes de cuisines. Quand j'entre, il me demande quand je vais venir avec ses "saletés de cornichons", tout en me matant. Naturellement, j'aurais envie d'être assez grossière avec lui, vu mon niveau de fatigue et la façon dont il est insistant, mais je préfère lui dire que sa faille vient le chercher aujourd'hui, et que les cornichons seront là. Bref.

      Presque dix heures - j'ai perdu du temps avec Papy-pervers. Je dois encore m'occuper du dernier des cas prioritaires : Monsieur Yamane. Arrivé très tôt dans la matinée, suite à une bagarre hier, de ce que j'ai pu comprendre. C'est sa soeur et son cousin qui ont appelé l'ambulance. Ils sont venus ici, aussi, pour l'accompagner, question de savoir si, pour le moment, tout allait bien. C'est touchant de voir une famille si unie!  
      Je frappe doucement à la porte, et après quelques secondes j'entre. Même s'il ne répond pas, on a ordre d'entrer, frapper c'est juste pa politesse... Après tout, ce sont les consignes. Monsieur Yamane est déjà réveillé, ça doit faire à peine une heure. Même réveillé, il demeure dans un état second - on devrait lui baisser la dose des anti-douleurs dans sa perfusion. Je referme doucement la porte derrière moi.

Infirmière Tamako : Bonjour Monsieur Yamane! Comment allez-vous aujourd'hui?

    Je remarque un bouquet de fleurs à côté de lui. Si tôt? Des fleurs? C'est assez énigmatique, les cadeaux, ça n'arrive pas si tôt. En plus, ce n'est pas encore l'heure des livraisons ni des visites. Les livraisons, c'est à partir de onze heures, et les visites, c'est juste l'après-midi.  Bref. Tout ça ne me regarde pas, ou juste de loin, très vaguement.
   N'empêche, je suis assez curieuse. Sacré défaut dans la profession, mais ça peut passer pour du "blabla" de politesse. encore faut-il que le patient soit un minimum coopératif...

Infirmière Tamako : Jolies fleurs? On vous a livré en avance? (Je commence à préparer des bandages avec des solutions pour nettoyer les blessures au visage, et panser tout ça.) De votre soeur, j'imagine? Elle vous aime beaucoup, enfin, je veux dire, elle tient beaucoup à vous, ça se voit! (J'amène le matériel posé sur un petit chariot roulant dedié à la chambre.) Mais on ne peut pas en dire autant de votre cousin, non? Ah ah ah!

Elle est arrivée, par l'encadrement de porte, toute guillerette. C'est marrant, quand elle marche, on dirait qu'elle danse. Et ça fait remuer ses... Grumblubleblu, non reprends-toi. On aurait pas dit qu'elle m'avait torturé hier soir. Quand je r'pense à tous ces examens, brr... Ah? Tamako-chan me pose une question par rapport aux fleurs, et à Kami. Puis par rapport à Darren. Doucement, doucement, j'suis pas un satellite, hein! J'peux pas recevoir et diffuser instantanément plusieurs informations sans aucun problème! J'suis qu'un mec, quoi... Et pas des plus vifs, en plus, surtout par cette matinée...

Shigeru Yamane: Euh, pour ces fleurs, j'imagine qu'elles viennent bel et bien de ma frangine, et, ouais, on s'apprécie beaucoup, elle me voit comme un genre de vieux singe avisé, haha... Ah! Et pour le cousin Saeki, on a toujours un peu été en compétition, donc, c'est... Tendu, vous savez?

Infirmière Tamako : Mais non, vous n'êtes pas un vieux singe avisé, vous avez quoi? (Je regarde le double du papier d'admission, resté sur la table de chevet.) Juste 26 ans, ça va encore, vous n'êtes pas non plus à l'article de la... (Non, il l'était presque il y a quelques heures...)

    Je commence à appliquer les soins. J'ai l'impression que mon cher patient est assez agité. Du calme, du calme. Après avoir eu du mal à tout mettre en place, je me retrouve face à un pauvre jeune homme dont la moitié du visage est couvert de bandages. On dirait un méchant d'anime, mais à l'hôpital. C'est tout drôle comme vision, ha ha ha!
   Je fais de rapides vérifications - que l'on doit effectuer environ toutes les trois heures - sur l'état de santé de mon patient; En fin de matinée, il est prévu, sur sa "fiche de route" de lui faire passer un nouvel examen au niveau du crâne, pour voir si, effectivement, comme l'a dit le chef de service "ce garçon a une tête vraiment dure". Après avoir fait l'exmen global, je nettoie le plateau ayant aidé pour les bandages et je range mon matériel, tout en discutant un peu. Bosser en tant qu'infirmière, c'est aussi avoir le sens de la chaleur humaine, et mon patient semble en avoir besoin vu que...

Infirmière Tamako : Vous êtes donc toujours en compétition avec votre cousin... Saeki... C'est ça? (Je fourre les emballages vides dans un petit sac.) Peur d'être un grand frère évincé au profit d'un cousin hors-normes?

    Pour être hors-normes, il l'était, le bonhomme. Il me regardait avec un drôle d'air. C'était à moitié effrayant, à moitié... je ne sais pas... Mais il n'avait pas de mauvaises intentions, c'est clair. Peut-être juste l'effet de la fatigue, ou quelque chose comme ça...
     En tous cas, pour faire bonne figure, et comme je vais devoir m'occuper de Monsieur Yamane encore quelques jours, je décide de faire un peu plus connaissance avec lui. Le Papy-pervers, c'était pas la peine de discuter avec lui, et Seiko vient à peine de reprendre conscience...

Infirmière Tamako : Vous vivez seul? (La question peut paraître un poil gênante, je m'empresse de rajouter.) Parce que pour vous trouver dans cet état, et - de ce que j'ai compris - attendre d'arriver auprès de votre famille pour enfin daigner avoir de l'aide... (Je suis la reine de l'indiscrétion... Youpi.)

Je souris à l'évocation du grand frère évincé au profit du cousin hors-normes. En fait, elle ne le sait pas, mais elle parle d'une situation familiale que j'ai déjà vécu, mais en inversé. J'étais plus jeune que mon cousin Shuya, mais c'était lui le "hors-normes" aux yeux de ma famille, dans le sens positif du terme. Moi, j'étais un gosse en perte de repères, un "enfant à problèmes". Mais à peine a t-elle posé cette question que Tamako-chan enchaîne en me demandant si je vis seul. Finalement, je décide de m'exprimer à propos de Shuya... Mais en le faisant passer, dans mon discours, pour Darren. Qu'on me demande pas ce qui m'a pris d'en dire autant sur moi.

Shigeru Yamane: Dites-donc, vous êtes une vraie flèche, vous, haha! Non, non, vous en faites pas! Ça ne me dérange pas de parler, bien au contraire... Vous savez, pour mon jeune cousin... En fait, il a beau être plus jeune que moi, ma famille a toujours estimé que c'était lui l'exemple à prendre. Lui qui avait toutes les qualités dont un gamin pouvait bénéficier. Travailleur, drôle, intelligent, le sens des responsabilités... Et expert en informatique en plus de ça! En plus, la femme de mon oncle, euh... Sa mère... C'était pas quelqu'un de facile... Et il supportait tout ça, voire même, il lui pardonnait... Il pardonnait tout, ce gars (je vois la tête de Tamako un peu étonnée, visiblement, la description que je fais de Shuya ne colle pas du tout à Darren). Enfin, il pardonnait tout, jusqu'à ce qu'il aie un bon gros burnout, haha!! Mais si ce n'est son apparence physique, il n'a... Euh... Il n'a quasiment pas changé (mais qu'est-ce que je fous). Même moi, j'étais impressionné, enfin, impressionné et en même temps, je me sentais tout le temps en décalage. Toujours eu un fossé entre lui et moi, qui nous handicapait dans notre communication entre cousins. Je sais pas si vous voyez...

Je marque une pause. Je passe ensuite à la question de savoir si je vis seul ou non.

Shigeru Yamane: Et, en ce qui concerne mon logement, ben... Ouais, haha, vous avez deviné juste, je vis seul. Mais ma copine passe me voir de temps en temps, et c'est chouette. Des fois, ça peut rendre ma sœur un peu hystérique, parce qu'elle me veut souvent pour elle toute seule, à cet âge-là, vous comprenez, hahaha (désolé Kami)... Et, hum, vous, vous devez être sacrément courageuse pour être infirmière dans cet hôpital gigantesque! Moi, j'me perdrais facilement, ici... J'ai pas vraiment l'sens de l'orientation...

Ah. Une compétition entre cousins. N'empêche que Saeki ne colle vraiment pas à ce que Monsieur Yamane a pu dire de lui. Il semble si... Différent. Mais bon, l'apparence n'est pas tout dans la vie et j'imagine qu'il faut voir au-delà de ça. Monsieur Yamane semble un peu autre part en évoquant cette situation...
    Il n'a pas à s'en faire avec ça, cette rivalité ne mène à rien, surtout si le conflit ne vient pas deSaeki en lui-même, mais de leurs familles. En tous cas, même si les discussions avec son cousin sont unpeu difficiles, il peut compter sur sa jeune soeur!
     Monsieur Yamane en livre encore un peu plus sur lui, et avoue vivre seul - ça se voit, quand un homme vit seul, surtout blessé à ce point, à vouloir faire le fier... Il glisse aussi un mot à propos de sa petite amie, et de la rivalité entre celle-ci et sa soeur : apparemment, la frangine, elle ne partage pas!

Infirmière Tamako : Et elle a quel âge, votre soeur? Oh. Simple curiosité. Excusez-moi...

Shigeru Yamane: Ah, euh...

Merde. Je connais pas l'âge de Kami! Oh, putain. Si j'me plante... Les choses peuvent se compliquer sérieusement pour moi. Bon, c'est le bingo de la fortune. Vas-y mec, devine l'âge de ta jolie Magicienne des Ténèbres. Joue le tout pour le tout!

Shigeru Yamane: Elle a 19 ans... Mais c'est encore une ado de 14, dans sa tête, haha! Vous avez encore juste, en ayant remarqué qu'on était complices. Ouais... Et ça nous arrive de se faire des sorties, comme ça... Pour que ma sœur arrête de psychoter, mais aussi parce que je l'aime... Euh, je veux dire, en tant que frère, hein!

Je suis songeur. Quand est-ce qu'on pourra enfin en refaire, des sorties? J'ai été à l'article de la mort, hier. Il faudrait être totalement con pour reprendre ce risque à nouveau. D'un côté, est-ce que j'avais vraiment choisi de m'faire agresser par ces deux ploucs? Non, bien sûr. Mais je les ai tués. J'aurais pu tenter de m'enfuir, un moment, au lieu de laisser la situation dégénérer... Nah... Je sais pas. Déprimer, je peux, mais m'enfuir, ça ressemble pas. Pourtant, si la police me retrouve, c'est ce que je serais forcé de faire... Est-ce que j'ai pensé à Kami en faisant ça, hier?

Infirmière Tamako : Encore 14 ans dans sa tête? Hum, ça ne doit pas être facile à gérer! (J'ai tout remballé, je commence à aller vers la porte. Je suis gênée de partir alors que la discussion bat son plein.) Comme elle n'est pas encore majeure... Et si vous vous sentez seul... Vous pourriez toujours faire une dérogation, en faisant mine de l'avoir sous votre responsabilité... Je suis sûre que le chef de service ne refusera pas, si c'est pour une nuit ou deux...

    Je pense au bien-être des patients avant tout, ce qui, parfois, me pose des problèmes. Mais bon, ce secret resterait entre nous; Et puis, le pauvre, il a l'air tellement ailleurs. En plus, nous autres, infirmiers et infirmières, on ne peut pas trop discuter, habituellement, alors...

Infirmière Tamako : C'est juste une suggestion, et puis, si elle est calme... (Je fais un clin d’œil.) En espérant ne pas souffler une mauvaise idée, si votre copine décide aussi de faire une crise de jalousie en la voyant là!

    Je pose ma main sur la poignée de la porte, toujours souriante. C'est agréable de discuter avec quelqu'un qui ne passe pas son temps à vous mater, à réclamer des cornichons, ou encore à vous engueuler parce que "vous faites mal votre travail". Et puis, Monsieur Yamane comme moi, quelque part, on a besoin de compagnie.

Shigeru Yamane: Euh, attendez mademoiselle!

J'espère ne pas avoir crié. Alors que Tamako-chan était sur le point de partir, j'ai notifié certaines de ses paroles avec un peu de retard. Je repense à ce petit vicelard de Darren. Faut qu'j'anticipe tout scénario catastrophe! J'veux pas perdre ma Kami...

Shigeru Yamane: Pour la dérogation... Je pense que ce serait une bonne idée... Haha... Mais, je ne connais pas du tout les procédures à suivre... Si vous pouviez en toucher un mot au chef, enfin...

Infirmière Tamako : J'imagine que pour vous écrire, enfin, dans votre état, ça semble... Euh... (Je réfléchis très vite.) Bon, je vais aller le voir, très vite, lui expliquer au mieux la situation, et... Et on verra... Enfin, il va sûrement vouloir vous voir!

   Et à peine ai-je pu finir ma phrase que je me retrouve déjà en train de chercher mon chef de service partout. Habituellement, je ne traite pas ce genre de demandes pour des patients avec des proches si âgés. Souvent ce sont des parents qui restent avec leurs enfants, question de les rassurer... Mais si je présente la situation de Monsieur Yamane en disant qu'il ne vit qu'avec sa sœur et qu'il la garde pendant ses études... Oui, ça devrait aller.
    Je regarde frénétiquement partout. Je passe dans la salle des infirmiers et infirmières; Je vois sur mon planning que je dois m'occuper encore de six autres chambres avant la fin de mon service. Je trouve mon chef de service - heureusement - au fond de la salle, en train de discuter avec deux autres de mes collègues.

Infirmière Tamako : Monsieur, monsieur! excusez-moi! Monsieur...


   Au bout de dix minutes d'une discussion vive, je me retrouve de nouveau face à la porte de Monsieur Yamane. Je frappe doucement, puis je rentre. Je suis un peu pressée par le temps, tout ça. Je dois aller au plus vite. Je referme la porte après être entrée, de sorte à ce qu'aucun autre patient ne puisse entendre - "si tout le monde faisait ça, on serait débordés, vraiment", avait dit le chef de service.

Infirmière Tamako : C'est d'accord! Il faut juste que vous remplissiez ce papier, en signant et en indiquant votre nom, tout ça...

    Je donne le papier, très vite, après l'avoir tiré d'une poche de ma blouse. Je donne aussi un stylo. ll n'y a que quelques petits caractères à écrire, le reste étant déjà mis en bonnes et dues formes de formulaire administratif bien embarrassant, mais simplifié au maximum.

Infirmière Tamako : Indiquez bien l'âge et la raison, au dos, en plus des formalités à écrire... Ce formulaire est plus souvent destiné aux parents pour leurs enfants...